« Oops, I did it again »

Voilà un petit refrain qui fait sourire et qui nous vient facilement en tête quand on fait une boulette. Mais si Britney Spears le chante haut et fort, nous sommes nombreux à être beaucoup plus discrets sur nos erreurs. Et c’est bien un des paradoxes des erreurs. Naturellement nous préférons les passer sous silence, alors qu’elles représentent souvent un potentiel d’apprentissage énorme. Pour soi et pour les autres. Un contexte psychologiquement sûr favorise aussi bien le partage que l’apprentissage.

 Eh oui, il faut du courage pour admettre nos erreurs, et encore plus pour en parler lorsqu’on est en prise avec des sentiments négatifs. Il est difficile de surmonter son angoisse, sa honte et sa culpabilité pour admettre une erreur de jugement, de raisonnement ou discernement. Pour la plupart d'entre nous, c'est l'impression de perdre un peu de sa réputation, de son aplomb et surtout de sa confiance. Alors comment venir à bout de ses peurs ? D’abord en comprenant pourquoi c’est si difficile de le faire. En effet, assumer ses erreurs c’est un peu s’assumer tel que nous sommes… faillibles.
Dans cet aveu de faiblesse et ce partage réside la force de toutes les équipes performantes et l’opportunité pour les organisations d’être réellement apprenantes.

Prenons l’exemple d’un collaborateur qui vient de “rater” une vente. Si personne ne dit rien, à commencer par lui, il y a comme un éléphant dans la pièce qui va peser sur l’ambiance. Si en plus on lui reproche le deal manqué - qu’il va vivre comme un échec - il va douter de sa valeur et sera encore moins enclin à s’exprimer. Par contre, si un collègue partage son expérience identique: “J’ai moi aussi eu des difficultés à vendre cette prestation auprès de clients avec le même profil que le tien. Nous devrions discuter de cette situation avec toute l’équipe et voir comment nous pourrions nous y prendre autrement”. N’est-ce pas une manière constructive d’en faire profiter tout le monde et de dépersonnaliser la situation ? Certaines expériences ou erreurs sont comme des diamants bruts, c’est en les travaillant qu'elles révèlent leurs différentes facettes et prennent de l’éclat. Elles ont un pouvoir de transformation exceptionnel. (Etude - Apprendre de ses erreurs).

Or dans le milieu professionnel, il est plus courant d’apprendre et de célébrer les succès que les erreurs.


C’est plus positif, valorisant et encourageant. Mais moins stimulant. Moins transformationnel. Ainsi, permettre à mon équipe et à mon organisation d’apprendre de mes erreurs est une de mes contributions à l’intelligence collective, gage d’agilité et de pérennité. Dans les métiers de l’innovation et de la connaissance, la valeur de l'information, des données et de l’analyse est centrale. Une erreur en contient des tonnes, à condition que l’on crée l’espace et prenne le temps de les décortiquer, au même titre que n’importe quel rapport ou fichier excel.
Pixar, par exemple, pratique cet apprentissage collectif en phase de création d’un nouveau film d’animation. Chaque directeur de film soumet son projet au “Braintrust”, un petit groupe de réalisateurs et de scénaristes, qui donne un retour factuel, constructif et en toute franchise pour guider les scénaristes et leur permettre de retravailler une scène, une réplique, un personnage. Avec le succès que l’on sait. “Braintrust” est un espace de sécurité psychologique officiel, destiné à partager, échanger, dans la bonne humeur générale les opinions, les commentaires et les propositions.
Cependant la sécurité psychologique n’est pas: ·
  • Un prétexte pour excuser les erreurs ou les minimiser 
  • Une opportunité de se déresponsabiliser

Elle n’implique pas non plus de facto une sécurité émotionnelle. Imaginez le scénariste de chez Pixar qui vient de passer 1 mois à travailler sur une séquence. Celle-ci génère de nombreuses remarques et des réactions peu positives lors de la séance de “Braintrust”. Cela demande humilité et courage émotionnel que de prendre le feed-back. Imaginez maintenant que vous soyez en train de partager une erreur - avérée ou non - lors d’une réunion. Même dans un environnement bienveillant, vous êtes traversé par de multiples émotions et sentiments. En effet, vos interlocuteurs peuvent avoir une première réaction négative mais vous exprimer ensuite tout autant de gratitude. Une erreur reste une erreur, mais la rendre visible permettra d’en tirer tous les bénéfices possibles, même ceux auxquels on ne pense pas.
Le post-it a bien été « inventé » suite à une erreur de dosage !
Et puis, il y a erreur et erreur ! Il ne s’agit pas de cautionner l’incompétence. Certaines ne font avancer personne, d’autres au contraire sont de joyaux potentiels.
Amy Edmondson (The fearless organisation) fait la différence entre 3 types d’erreurs.
  • Les erreurs évitables : Oublier de suivre les règles de sécurité
  • Les erreurs complexes : L’accident de Columbia (NASA)
  • Les erreurs intelligentes : Le pacemaker
Les erreurs évitables sont à faible teneur en apprentissage. Elles peuvent servir au mieux à revoir un processus, ajuster les règles, améliorer un flow d’information ou repenser une charge de travail.

Les erreurs complexes ont une teneur en apprentissage élevée. L’explosion de la fusée Columbia en est un tragique exemple.


En privilégiant le respect de la hiérarchie et en cédant à la pression de la performance (le lancement de la navette), le silence de certains ingénieurs résonne encore lourdement sur les familles des astronautes et sur la NASA. Dans un environnement psychologiquement sécurisé, les ingénieurs concernés auraient osé partager leurs doutes quant à la solidité des joints à température négative évitant ainsi le drame. Les erreurs sont intelligentes quand au bout du processus de réflexion et de discussion, elles débouchent sur une avancée technologique, une innovation. Elles sont dignes d’être célébrées. Leur teneur en apprentissage est immense.
Doug Dietz, designer industriel et comment il a transformé son « erreur » avec l’input d’une équipe Vidéo-Ted Talk 
Ainsi, considérer l’erreur comme « naturelle » voire comme un atout peut lever bien des réticences. Ne plus avoir peur de faire une erreur est libérateur. L’essentiel n’est pas de les éviter mais de les « recycler ». Une fois valorisées, elles peuvent s’avérer brillantes.

Quelle erreur seriez-vous prêt.e à partager pour son potentiel de « recyclage » ?